Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Du chef de ces héros j’asservis la franchise ;
De tout ce qu’il a fait de grand, de glorieux,
Il rend un plein hommage au pouvoir de mes yeux.
Il a vaincu Persès, il a servi mon père,
Il a sauvé l’État, sans chercher qu’à me plaire. 310
Vous l’avez vu peut-être, et vos yeux sont témoins
De combien chaque jour il y donne de soins,
Avec combien d’ardeur…

Chalciope.

Avec combien d’ardeur… Oui, je l’ai vu moi-même,
Que pour plaire à vos yeux il prend un soin extrême ;
Mais je n’ai pas moins vu combien il vous est doux 315
De vous montrer sensible aux soins qu’il prend pour vous.
Je vous vois chaque jour avec inquiétude
Chercher ou sa présence ou quelque solitude,
Et dans ces grands jardins sans cesse repasser
Le souvenir des traits qui vous ont su blesser. 320
En un mot, vous l’aimez, et ce que j’appréhende…

Médée.

Je suis prête à l’aimer, si le Roi le commande ;
Mais jusque-là, ma sœur, je ne fais que souffrir
Les soupirs et les vœux qu’il prend soin de m’offrir.

Chalciope.

Quittez ce faux devoir dont l’ombre vous amuse. 325
Vous irez plus avant si le Roi le refuse ;
Et quoi que votre erreur vous fasse présumer,
Vous obéirez mal s’il vous défend d’aimer.
Je sais… Mais le voici, que le Prince accompagne.