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PROLOGUE.

Vous pardonnera-t-il d’aimer son ennemie ?
Le voilà qui paroît, c’est lui-même, c’est Mars,
Qui vous lance du ciel de farouches regards ;
Il menace, il descend : apaisez sa colère 65
Par le prompt désaveu d’un souhait téméraire.

(Le ciel s’ouvre et fait voir Mars en posture menaçante, un pied en l’air, et l’autre porté sur son étoile. Il descend ainsi à un des côtés du théâtre, qu’il traverse en parlant ; et sitôt qu’il a parlé, il remonte au même lieu dont il est parti[1].)


Scène II

.
MARS[2], LA FRANCE, LA VICTOIRE.
Mars.

France ingrate, tu veux la paix !
Et pour toute reconnoissance
D’avoir en tant de lieux étendu ta puissance,
Tu murmures de mes bienfaits ! 70
Encore un lustre ou deux, et sous tes destinées
J’aurois rangé le sort des têtes couronnées ;
Ton État n’auroit eu pour bornes que ton choix ;
Et tu devois tenir pour assuré présage,
Voyant toute l’Europe apprendre ton langage, 75
Que toute cette Europe alloit prendre tes lois.
Tu renonces à cette gloire ;
La Paix a pour toi plus d’appas,
Et tu dédaignes la Victoire
Que j’ai de ma main propre attachée à tes pas ! 80
Vois dans quels fers sous moi la Discorde et l’Envie
Tiennent cette paix asservie.
La Victoire t’a dit comme on peut m’apaiser ;

  1. Var. Et remonte aussitôt au même lieu dont il est parti. (1661-64)
  2. mars, en l’air. (1661)