Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/27

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mettre qu’il reposast encores un peu ; mais ils crioyent et tempestoyent de tant plus, disans : « N’aura meshuy dormi assez cet yurongne ? » et en vn mesme temps rompirent à coups de pied la porte, et entrez dedans chercherent Pertharite dans le lict ; mais ne le trouuans point, demanderent au page où il estoit, lequel leur dit qu’il s’en estoit fuï. Lors ils prindrent le page par les cheueux, et le menerent en grande furie au palais ; et comme ils furent deuant le Roy, dirent que Pertharite auoit fait vie[1], à quoy le page auoit tenu la main, dont il meritoit la mort. Grimoald demanda par ordre par quel moyen Pertharite s’estoit sauvé ; et le page luy conta le faict de la sorte qu’il estoit aduenu. Grimoald cognoissant la fidelité de ce ieune homme, voulut qu’il fust[2] vn de ses pages, l’exhortant à luy garder celle foy qu’il auoit à Pertharite, luy promettant en outre de luy faire beaucoup de bien. Il fit venir en apres Vnulphe deuant luy, auquel il pardonna de mesme, luy recommandant sa foy et sa prudence. Quelques jours apres, il luy demanda s’il ne vouloit pas estre bien-tost auec Pertharite : à quoy Vnulphe auec serment respondit que plustost il auroit voulu mourir auec Pertharite que viure en tout autre lieu en tout plaisir et delices. Le Roy fit pareille demande au page, à sçauoir-mon[3] s’il trouuoit meilleur de demeurer auec soy au palais que de viure auec Pertharite en exil ; mais le page luy ayant respondu comme Vnulphe auoit fait, le Roy prenant en bonne

  1. Vie comme voie, de via chemin. Faire vie, faire du chemin, partir.
  2. Dans du Verdier : « qu’il fusse ; » et deux lignes plus loin : « beaucoup du bien. »
  3. Nous avons vu un emploi analogue de mon dans le texte même de Corneille : voyez la Galerie du Palais, tome II, p. 92, note 4. Voyez aussi les Dictionnaires de Nicot et de Furetière, et notre Lexique à l’article Mon.