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tenue par quatre vents en l’air, vient insensiblement s’arrêter au milieu de cette même rivière.

Voici donc ce que chantent les sirènes :

Telle Vénus sortit du sein de l’onde[1]

Tandis qu’elles chantent, le devant de cette conque merveilleuse fond dans l’eau, et laisse voir la reine Hypsipyle assise comme dans un trône. Sa première vue frappe le cœur d’Absyrte, et soudain Glauque commande aux vents de s’envoler, aux tritons et aux sirènes de disparoître, au fleuve de retirer une partie de ses eaux pour laisser prendre terre à Hypsipyle, et à Jason de rallumer ses feux pour cette reine de Lemnos, que Neptune lui renvoie comme le seul objet qui soit digne de son amour. Les tritons, le fleuve, les vents et les sirènes obéissent, et Glauque se perd lui-même au fond de l’eau, sitôt qu’il a parlé. Absyrte donne la main à Hypsipyle, pour sortir de cette conque, qui s’abîme aussitôt dans le fleuve ; le seul Jason demeure immobile, et pressé par elle de lui parler, il lui avoue qu’il n’a plus d’yeux que pour Médée. Cette princesse ne laisse pas d’en prendre jalousie, et par une nouvelle colère, elle le quitte, comme un volage qui ne mérite pas qu’elle en fasse état. Jason la suit par le conseil de Junon, qui les va rejoindre un moment après, et Absyrte, demeuré seul avec Hypsipyle, lui fait ses premières offres de service, et tâche de lui faire concevoir la grandeur d’un amour qui vient de naître. Elle se défend sur la préoccupation de son cœur pour cet inconstant dont elle se voit abandonnée, et prie ce prince de la conduire au Roi pour lui en faire ses plaintes. Il veut l’en dissuader ; mais enfin il obéit, et tous deux ensemble le vont trouver dans son palais.



  1. Voyez p. 293.