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LA TOISON D'OR.

quis donna une grande fête dans son château de Neubourg, en réjouissance de l’heureux mariage de Sa Majesté, et de la paix qu’il lui avoit plu donner à ses peuples. La tragédie de la Toison d’or, mêlée de musique et de superbes spectacles, fut faite exprès pour cela. Il fit venir au Neubourg les comédiens du Marais, qui l’y représentèrent plusieurs fois, en présence de plus de soixante des plus considérables personnes de la province, qui furent logées dans le château, et régalées pendant plus de huit jours, avec toute la propreté et toute l’abondance imaginable[1]. Cela se fit au commencement de l’hiver de l’année 1660[2], et ensuite M. le marquis de Sourdeac donna aux comédiens toutes les machines et toutes les décorations qui avoient servi à ce grand spectacle, qui attira tout Paris, chacun y ayant couru longtemps en foule[3]. »

Il fallut beaucoup de temps aux acteurs du Marais pour transporter dans leur théâtre les décorations que leur avait données le marquis. Dans la Muse historique du 1er janvier 1661, Loret nous tient au courant de ces travaux préparatoires :

Les comédiens du Marais
Font un inconcevable apprêt,

  1. L’Histoire du théâtre de l’Académie royale de musique en France, attribuée à Travenot et publiée à Paris en 1753, paraît exagérer un peu les libéralités de M. de Sourdeac : « Outre ceux qui étoient nécessaires à l’exécution de ce dessein, qui furent entretenus plus de deux mois à Neubourg à ses dépens, il logea et traita plus de cinq cents gentilshommes de la province, pendant plusieurs représentations que la troupe royale du Marais donna de cette pièce. » (P. 24) M. Philippe de Chennevières a fait de ces représentations une relation détaillée, où la fiction se mêle fort agréablement à la réalité, dans une intéressante nouvelle intitulée Melle Guéru, qui a paru d’abord dans les Historiettes baguenaudières, par un Normand, 1845, in-8o, et a ensuite été réimprimée dans la Revue de Rouen, sous ce titre : La foire de Guibray au XVIIe siècle et la première représentation de la Toison d’or de Corneille au château du Neubourg en 1660.
  2. Au mois de novembre, selon les frères Parfait. (Histoire du Théâtre françois, tome IX, p. 34.)
  3. « Un châssis sculpté, doré, dernier vestige de l’essai fait à Neubourg, existait encore il y a peu de temps dans ce noble manoir. » (Castil-Blaze, l’Académie impériale de musique, 1855, in-8o, tome I, p. 17.)