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Cet arrêt qu’à nos yeux lui-même il se prononce
Est suivi d’un poignard qu’en ses flancs il enfonce.
La reine, à ce malheur si peu prémédité,
Semble le recevoir avec stupidité.
L’excès de sa douleur la fait croire insensible ;
Rien n’échappe au dehors qui la rende visible ;
Et tous ses sentiments, enfermés dans son cœur,
Ramassent en secret leur dernière vigueur.
Nous autres cependant, autour d’elle rangées,
Stupides ainsi qu’elle, ainsi qu’elle affligées,
Nous n’osons rien permettre à nos fiers déplaisirs,
Et nos pleurs par respect attendent ses soupirs.
Mais enfin tout à coup, sans changer de visage,
Du mort qu’elle contemple elle imite la rage,
Se saisit du poignard, et de sa propre main
À nos yeux comme lui s’en traverse le sein.
On dirait que du ciel l’implacable colère
Nous arrête les bras pour lui laisser tout faire.
Elle tombe, elle expire avec ces derniers mots :
" allez dire à Dircé qu’elle vive en repos,
Que de ces lieux maudits en hâte elle s’exile ;
Athènes a pour elle un glorieux asile,
Si toutefois Thésée est assez généreux
Pour n’avoir point d’horreur d’un sang si malheureux. "


Thésée.

Ah ! Ce doute m’outrage ; et si jamais vos charmes…


Dircé.

Seigneur, il n’est saison que de verser des larmes.