Nul espoir d’aucun d’eux, nul effort ne m’arrache ;
Et je trouve toujours dans mon esprit confus
Et tout ce que je suis et tout ce que je fus.
Je vous dois de l’amour, je vous dois de la haine :
L’un et l’autre me plaît, l’un et l’autre me gêne ;
Et mon cœur, qui doit tout, et ne voit rien permis,
Souffre tout à la fois deux tyrans ennemis.
La haine auroit l’appui d’un serment qui me lie ;
Mais je le romps exprès pour en être punie ;
Et pour finir des maux qu’on ne peut soulager,
J’aime à donner aux Dieux un parjure à venger.
C’est votre foudre, ô ciel, qu’à mon secours j’appelle :
Œdipe est innocent, je me fais criminelle ;
Par un juste supplice osez me désunir
De la nécessité d’aimer et de punir.
Quoi ? Vous ne voyez pas que sa fausse justice
Ne sait plus ce que c’est que d’un juste supplice,
Et que par un désordre à confondre nos sens
Son injuste rigueur n’en veut qu’aux innocents ?
Après avoir choisi ma main pour ce grand crime,
C’est le sang de Laïus qu’il choisit pour victime,
Et le bizarre éclat de son discernement
Sépare le forfait d’avec le châtiment.
C’est un sujet nouveau d’une haine implacable,
De voir sur votre sang la peine du coupable ;
Et les Dieux vous en font une éternelle loi,
S’ils punissent en lui ce qu’ils ont fait par moi.
Voyez comme les fils de Jocaste et d’Œdipe
D’une si juste haine ont tous deux le principe :
À voir leurs actions, à voir leur entretien,
L’un n’est que votre sang, l’autre n’est que le mien,
Et leur antipathie inspire à leur colère
Des préludes secrets de ce qu’il vous faut faire.