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Vers le bien ou le mal incessamment l’entraîne ;
Et nous ne recevons ni crainte ni désir
De cette liberté qui n’a rien à choisir,
Attachés sans relâche à cet ordre sublime,
Vertueux sans mérite, et vicieux sans crime.
Qu’on massacre les rois, qu’on brise les autels,
C’est la faute des dieux, et non pas des mortels.
De toute la vertu sur la terre épandue,
Tout le prix à ces dieux, toute la gloire est due ;
Ils agissent en nous quand nous pensons agir ;
Alors qu’on délibère on ne fait qu’obéir ;
Et notre volonté n’aime, hait, cherche, évite,
Que suivant que d’en haut leur bras la précipite.
D’un tel aveuglement daignez me dispenser.
Le ciel, juste à punir, juste à récompenser,
Pour rendre aux actions leur peine ou leur salaire,
Doit nous offrir son aide, et puis nous laisser faire.
N’enfonçons toutefois ni votre œil ni le mien
Dans ce profond abîme où nous ne voyons rien :
Delphes a pu vous faire une fausse réponse ;
L’argent put inspirer la voix qui les prononce ;
Cet organe des dieux put se laisser gagner
À ceux que ma naissance éloignait de régner ;
Et par tous les climats on n’a que trop d’exemples
Qu’il est ainsi qu’ailleurs des méchants dans les temples.
Du moins puis-je assurer que dans tous mes combats
Je n’ai jamais souffert de seconds que mon bras ;
Que je n’ai jamais vu ces lieux de la Phocide
Où fut par des brigands commis ce parricide ;
Que la fatalité des plus pressants malheurs
Ne m’aurait pu réduire à suivre des voleurs ;
Que j’en ai trop puni pour en croître le nombre…


Jocaste.

Mais Laïus a parlé, vous en avez vu l’ombre :