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Dircé.

Hélas ! C’est maintenant, c’est lorsque je vous voi
Que ce même combat est dangereux pour moi.
Ma vertu la plus forte à votre aspect chancelle :
Tout mon cœur applaudit à sa flamme rebelle ;
Et l’honneur, qui charmait ses plus noirs déplaisirs,
N’est plus que le tyran de mes plus chers désirs.
Allez, prince ; et du moins par pitié de ma gloire
Gardez-vous d’achever une indigne victoire ;
Et si jamais l’honneur a su vous animer…


Thésée.

Hélas ! À votre aspect je ne sais plus qu’aimer.


Dircé.

Par un pressentiment j’ai déjà su vous dire
Ce que ma mort sur vous se réserve d’empire.
Votre bras de la Grèce est le plus ferme appui :
Vivez pour le public, comme je meurs pour lui.


Thésée.

Périsse l’univers, pourvu que Dircé vive !
Périsse le jour même avant qu’elle s’en prive !
Que m’importe la perte ou le salut de tous ?
Ai-je rien à sauver, rien à perdre que vous ?
Si votre amour, madame, était encor le même,
Si vous saviez encore aimer comme on vous aime…


Dircé.

Ah ! Faites moins d’outrage à ce cœur affligé
Que pressent les douleurs où vous l’avez plongé.
Laissez vivre du peuple un pitoyable reste
Aux dépens d’un moment que m’a laissé la peste,
Qui peut-être à vos yeux viendra trancher mes jours,
Si mon sang répandu ne lui tranche le cours.