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ACTE I, SCÈNE II.
Thésée

Non, je respecte trop la puissance absolue ;
Mais lorsque vous voudrez sans elle en disposer,
N’aura-t-elle aucun droit, seigneur, de s’excuser ?

Œdipe.

Le temps vous fera voir ce que c’est qu’une excuse.

Thésée.

210Le temps me fera voir jusques où je m’abuse ;
Et ce sera lui seul qui saura m’éclaircir
De ce que pour Æmon vous ferez réussir.
Je porte peu d’envie à sa bonne fortune ;
Mais je commence à voir que je vous importune.
215Adieu : faites, seigneur, de grâce un juste choix ;
Et si vous êtes roi, considérez les rois.


Scène III

.
ŒDIPE, CLÉANTE.
Œdipe.

Si je suis roi, Cléante ! Et que me croit-il être ?
Cet amant de Dircé déjà me parle en maître !
Vois, vois ce qu’il ferait s’il était son époux.

Cléante.

220Seigneur, vous avez lieu d’en être un peu jaloux.
Cette princesse est fière ; et comme sa naissance
Croit avoir quelque droit à la toute-puissance,
Tout est au-dessous d’elle, à moins que de régner,
Et sans doute qu’Æmon s’en verra dédaigner.

Œdipe.

225Le sang a peu de droits dans le sexe imbécile[1] ;

  1. Dans le sens d’ou Tacite a dit : imbecillum… sexum, « le sexe faible, » et imparem laboribus, « et incapable de fatigues. » (Annales, livre III, chapitre xxxiii.) La suite de ce passage des Annales exprime une idée