Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

RODELINDE.

Vous pouvez les haïr quand Grimoald vous aime !

ÉDÜIGE.

1680J’aime en lui sa vertu plus que son diadème ;
Et voyant quels motifs le font encore agir,
Je ne vois rien en lui qui me fasse rougir.

RODELINDE.

Rougis-en donc toi seul, toi qui caches ton crime,
Qui t’immolant un roi, dérobes ta victime,
1685Et d’un grand ennemi déguisant tout le sort,
Le fais fourbe en sa vie et fuir après sa mort.
De tes fausses vertus les brillantes pratiques
N’élevoient que pour toi ces tombeaux magnifiques :
C’étoient de vains éclats de générosité,
1690Pour rehausser ta gloire avec impunité.
Tu n’accablois son nom de tant d’honneurs funèbres
Que pour ensevelir sa mort dans les ténèbres,
Et lui tendre avec pompe un piège illustre et beau,
Pour le priver un jour des honneurs du tombeau.
1695Soûle-toi de son sang ; mais rends-moi ce qui reste,
Attendant ma vengeance, ou le courroux céleste,
Que je puisse…

GRIMOALD, à É

Que je puisse…Ah ! Madame, où me réduisez-vous
Pour un fourbe qu’elle aime à nommer son époux ?
Votre pitié ne sert qu’à me couvrir de honte,
1700Si quand vous me l’ôtez, il m’en faut rendre conte,
Et si la cruauté de mon triste destin
De ce que vous sauvez me nomme l’assassin.

UNULPHE.

Seigneur, je crois savoir la route qu’il a prise ;
Et si Sa Majesté veut que je l’y conduise,
1705Au péril de ma tête, en moins d’une heure ou deux,
Je m’offre de la rendre à l’objet de ses vœux.
Allons, allons, Madame, et souffrez que je tâche…