Mais ce n’est pas de vous qu’il faut que je l’attende :
Votre refus est juste autant que ma demande :
À force de respect votre amour s’est trahi.
Je voudrois vous haïr s’il m’avoit obéi ;
Et je n’estime pas l’honneur d’une vengeance
Jusqu’à vouloir d’un crime être la récompense.
Rentrons donc sous les lois que m’impose la paix,
Puisque m’en affranchir c’est vous perdre à jamais.
Prince, en votre faveur je ne puis davantage :
L’orgueil de ma naissance enfle encor mon courage,
Et quelque grand pouvoir que l’amour ait sur moi,
Je n’oublierai jamais que je me dois un roi.
Oui, malgré mon amour, j’attendrai d’une mère
Que le trône me donne ou vous ou votre frère.
Attendant son secret, vous aurez mes desirs,
Et s’il le fait régner, vous aurez mes soupirs :
C’est tout ce qu’à mes feux ma gloire peut permettre,
Et tout ce qu’à vos feux les miens osent promettre.
Que voudrois-je de plus ? son bonheur est le mien.
Rendez heureux ce frère, et je ne perdrai rien.
L’amitié le consent, si l’amour l’appréhende ;
Je bénirai le ciel d’une perte si grande ;
Et quittant les douceurs de cet espoir flottant,
Je mourrai de douleur, mais je mourrai content.
Et moi, si mon destin entre ses mains me livre,
Pour un autre que vous s’il m’ordonne de vivre[1],
Mon amour… Mais adieu : mon esprit se confond.
Prince, si votre flamme à la mienne répond,
Si vous n’êtes ingrat à ce cœur qui vous aime,
Ne me revoyez point qu’avec le diadème.
- ↑ Var. Si pour d’autres que vous il m’ordonne de vivre. (1647-56)