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Qu’avec ce peu de gens nous puissions résister :
Nous mourrons à vos pieds ; c’est toute l’assistance
Que vous peut en ces lieux offrir notre impuissance ;
Mais pouvez-vous trembler quand dans ces mêmes lieux
830Vous portez le grand maître et des rois et des Dieux ?
L’amour fera lui seul tout ce qu’il vous faut faire.
Faites-vous un rempart des fils contre la mère ;
Ménagez bien leur flamme, ils voudront tout pour vous ;
Et ces astres naissants sont adorés de tous.
835Quoi que puisse en ces lieux une reine cruelle,
Pouvant tout sur ses fils, vous y pouvez plus qu’elle.
Cependant trouvez bon qu’en ces extrémités
Je tâche à rassembler nos Parthes écartés :
Ils sont peu, mais vaillants, et peuvent de sa rage
840Empêcher la surprise et le premier outrage.
Craignez moins, et surtout, Madame, en ce grand jour,
Si vous voulez régner, faites régner l’Amour.


Scène III.

RODOGUNE.

Quoi ! je pourrois descendre à ce lâche artifice
D’aller de mes amants mendier le service,
845Et sous l’indigne appât d’un coup d’œil affété,
J’irois jusqu’en leurs cœurs chercher ma sûreté !
Celles de ma naissance ont horreur des bassesses :
Leur sang tout généreux hait ces molles adresses.
Quel que soit le secours qu’ils me puissent offrir,
850Je croirai faire assez de le daigner souffrir ;
Je verrai leur amour, j’éprouverai sa force,
Sans flatter leurs desirs, sans leur jeter d’amorce ;
Et s’il est assez fort pour me servir d’appui,
Je le ferai régner, mais en régnant sur lui.