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ACTE II.


Scène première.

AUGUSTE, CINNA, MAXIME, troupe de Courtisans.
AUGUSTE.

Que chacun se retire, et qu’aucun n’entre ici.355
Vous, Cinna, demeurez, et vous, Maxime, aussi.

(Tous se retirent, à la réserve de Cinna et de Maxime[1].)

Cet empire absolu sur la terre et sur l’onde,
Ce pouvoir souverain que j’ai sur tout le monde[2],

  1. Ce jeu de scène manque dans les éditions de 1643-60.
  2. « Fénelon, dans sa Lettre à l’Académie sur l’éloquence, dit : « Il me semble qu’on a donné souvent aux Romains un discours fastueux ; je ne trouve point de proportion entre l’emphase avec laquelle Auguste parle dans la tragédie Cinna et la modeste simplicité avec laquelle Suétone le dépeint. » Il est vrai ; mais ne faut-il pas quelque chose de plus relevé sur le théâtre que dans Suétone ? Il y a un milieu à garder entre l’enflure et la simplicité. Il faut avouer que Corneille a quelquefois passé les bornes. L’archevêque de Cambrai avait d’autant plus raison de reprendre cette enflure vicieuse, que de son temps les comédiens chargeaient encore ce défaut par la plus ridicule affection dans l’habillement, dans la déclamation et dans les gestes. On voyait Auguste arriver avec la démarche d’un matamore, coiffé d’une perruque carrée qui descendait par devant jusqu’à la ceinture ; cette perruque était farcie de feuilles de laurier et surmontée d’un large chapeau avec deux rangs de plumes rouges. Auguste, ainsi défiguré par des bateleurs gaulois sur un théâtre de marionnettes, était quelque chose de bien étrange. Il se plaçait sur un énorme fauteuil à deux gradins, et Maxime et Cinna étaient sur deux petits tabourets. La déclamation ampoulée répondait parfaitement à cet étalage, et surtout Auguste ne manquait pas de regarder Cinna et Maxime du haut en bas avec un noble dédain, en prononçant ces vers :
    Enfin tout ce qu’adore en ma haute fortune,
    D’un courtisan flatteur la présence importune.

    Il faisait bien sentir que c’était eux qu’il regardait comme des courtisans