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LE CID.

755Et j’en viens recevoir, comme un bien souverain,
Et l’arrêt de sa bouche, et le coup de sa main.

Elvire.

Fuis plutôt de ses yeux, fuis de sa violence ;
À ses premiers transports dérobe ta présence :
Va, ne t’expose point aux premiers mouvements
760Que poussera l’ardeur de ses ressentiments.

Don Rodrigue.

Non, non, ce cher objet à qui j’ai pu déplaire
Ne peut pour mon supplice avoir trop de colère ;
Et j’évite cent morts qui me vont accabler[1],
Si pour mourir plus tôt je puis la redoubler.

Elvire.

765Chimène est au palais, de pleurs toute baignée,
Et n’en reviendra point que bien accompagnée.
Rodrigue, fuis, de grâce : ôte-moi de souci.
Que ne dira-t-on point si l’on te voit ici ?
Veux-tu qu’un médisant, pour comble à sa misère[2],
770L’accuse d’y souffrir l’assassin de son père ?
Elle va revenir ; elle vient, je la voi :
Du moins, pour son honneur, Rodrigue, cache-toi[3].


Scène II.

DON SANCHE, CHIMÈNE, ELVIRE.
Don Sanche.

Oui, Madame, il vous faut de sanglantes victimes :
Votre colère est juste, et vos pleurs légitimes ;

  1. Var. Et d’un heur sans pareil je me verrai combler,
    Si pour mourir plus tôt je la puis redoubler. (1637-56)
  2. Var. Veux-tu qu’un médisant l’accuse en sa misère
    D’avoir reçu chez soi l’assassin de son père ? (1637-56)
  3. Dans les éditions de 1637 in-4o et de 1639-56 : Il se cache.