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ACTE II, SCÈNE II.
Don Rodrigue.

440Es-tu si las de vivre ?As-tu peur de mourir ?

Le Comte.

Viens, tu fais ton devoir, et le fils dégénère
Qui survit un moment à l’honneur de son père.


Scène III.

L’INFANTE, CHIMÈNE, LÉONOR.
L’Infante.

Apaise, ma Chimène, apaise ta douleur :
Fais agir ta constance en ce coup de malheur.
445Tu reverras le calme après ce foible orage ;
Ton bonheur n’est couvert que d’un peu de nuage[1],
Et tu n’as rien perdu pour le voir différer.

Chimène.

Mon cœur outré d’ennuis n’ose rien espérer.
Un orage si prompt qui trouble une bonace
450D’un naufrage certain nous porte la menace :
Je n’en saurois douter, je péris dans le port.
J’aimois, j’étois aimée, et nos pères d’accord ;
Et je vous en contois la charmante nouvelle[2],
Au malheureux moment qui naissoit leur querelle,
455Dont le récit fatal, sitôt qu’on vous l’a fait,
D’une si douce attente a ruiné l’effet.
Maudite ambition, détestable manie,
Dont les plus généreux souffrent la tyrannie !
Honneur impitoyable à mes plus chers désirs[3],
460Que tu me vas coûter de pleurs et de soupirs !

  1. Var. Ton bonheur n’est couvert que d’un petit nuage. (1637-56)
  2. Var. Et je vous en contois la première nouvelle. (1637-56)
  3. Var. Impitoyable honneur, mortel à mes plaisirs. (1637-56)