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514 L’ILLUSION.

Ton pays et tes biens, pour suivre ma misère,
Ce dieu même aujourd’hui force tous mes désirs
À te faire un larcin de deux ou trois soupirs.
À mon égarement souffre cette échappée,
Sans craindre que ta place en demeure usurpée.
L’amour dont la vertu n’est point le fondement
Se détruit de soi-même, et passe en un moment ;
Mais celui qui nous joint est un amour solide,
Où l’honneur a son lustre, où la vertu préside :
Sa durée a toujours quelques nouveaux appas,
Et ses fermes liens durent jusqu’au trépas.
Mon âme, derechef pardonne à la surprise
Que ce tyran des cœurs a faite à ma franchise ;
Souffre une folle ardeur qui ne vivra qu’un jour,
Et qui n’affoiblit point le conjugal amour.

Isabelle.

Hélas ! que j’aime bien à m’abuser moi-même !
Je vois qu’on me trahit, et veux croire qu’on m’aime ;
Je me laisse charmer à ce discours flatteur,
Et j’excuse un forfait dont j’adore l’auteur.
xx Pardonne, cher époux, au peu de retenue
Où d’un premier transport la chaleur est venue :
C’est en ces accidents manquer d’affection


1.Var. Ce dieu même à présent malgré moi m’a réduit (a).
A te faire un larcin des plaisirs d’une nuit.
À mes sens déréglés souffre cette licence :
Une pareille amour meurt dans la jouissance.
Celle dont la vertu n’est point le fondement. (1639-57)
2. Var. Mais celle qui nous joint est une amour solide. (1639-57)
3. Var. Dont les fermes liens durent jusqu’au trépas,
Et dont la jouissance a de nouveaux appas. (1639-57)
4. Le participe est au féminin dans toutes les éditions antérieures à 1664 ; dans les impressions de 1664, 1668, 1682, et même encore dans celle de 1692, il y a fait, sans accord.
5. Var. Et n’affoiblit en rien un conjugal amour. (1639-57)
6. Var. Je vois qu’on me trahit, et je crois que l’on m’aime. (1639-57)

(a) Ce dieu même à présent malgré moi me réduit. (1644-57)