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Mon sceptre ne peut-il être employé pour vous ?
Et vous serai-je ingrat autant que votre époux ?

Médée.

Si je vous ai servi, tout ce que j’en souhaite,
C’est de trouver chez vous une sûre retraite,
Où de mes ennemis menaces ni présents
Ne puissent plus troubler le repos de mes ans.
Non pas que je les craigne ; eux et toute la terre
À leur confusion me livreraient la guerre ;
Mais je hais ce désordre, et n’aime pas à voir
Qu’il me faille pour vivre user de mon savoir.

Ægée.

L’honneur de recevoir une si grande hôtesse
De mes malheurs passés efface la tristesse.
Disposez d’un pays qui vivra sous vos lois,
Si vous l’aimez assez pour lui donner des rois ;
Si mes ans ne vous font mépriser ma personne,
Vous y partagerez mon lit et ma couronne :
Sinon, sur mes sujets faites état d’avoir,
Ainsi que sur moi-même, un absolu pouvoir.
Allons, madame, allons ; et par votre conduite
Faites la sûreté que demande ma fuite.

Médée.

Ma vengeance n’aurait qu’un succès imparfait :
Je ne me venge pas, si je n’en vois l’effet ;
Je dois à mon courroux l’heur d’un si doux spectacle.
Allez, prince, et sans moi ne craignez point d’obstacle.
Je vous suivrai demain par un chemin nouveau.
Pour votre sûreté conservez cet anneau ;
Sa secrète vertu, qui vous fait invisible,
Rendra votre départ de tous côtés paisible.