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Je dois et l’une et l’autre à qui brise mes chaînes.
Si votre heureux secours me tire de danger,
Je ne veux en sortir qu’afin de vous venger ;
Et si je puis jamais avec votre assistance
Arriver jusqu’aux lieux de mon obéissance,
Vous me verrez, suivi de mille bataillons,
Sur ces murs renversés planter mes pavillons,
Punir leur traître roi de vous avoir bannie,
Dedans le sang des siens noyer sa tyrannie,
Et remettre en vos mains et Créuse et Jason,
Pour venger votre exil plutôt que ma prison.

Médée.

Je veux une vengeance et plus haute et plus prompte ;
Ne l’entreprenez pas, votre offre me fait honte :
Emprunter le secours d’aucun pouvoir humain,
D’un reproche éternel diffamerait ma main.
En est-il, après tout, aucun qui ne me cède ?
Qui force la nature, a-t-il besoin qu’on l’aide ?
Laissez-moi le souci de venger mes ennuis,
Et par ce que j’ai fait, jugez ce que je puis ;
L’ordre en est tout donné, n’en soyez point en peine :
C’est demain que mon art fait triompher ma haine ;
Demain je suis Médée, et je tire raison
De mon bannissement et de votre prison.

Ægée.

Quoi ! madame, faut-il que mon peu de puissance
Empêche les devoirs de ma reconnaissance ?