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L’un t’a déjà coûté ton repos et ta gloire ;
L’autre te va coûter ta vie et ton État.
Destin, qui punis mon audace,
Tu n’as que de justes rigueurs ;
Et s’il est d’assez tendres cœurs
Pour compatir à ma disgrâce,
Mon feu de leur tendresse étouffe la moitié,
Puisqu’à bien comparer mes fers avec ma flamme,
Un vieillard amoureux mérite plus de blâme
Qu’un monarque en prison n’est digne de pitié.
Cruel auteur de ma misère,
Peste des cœurs, tyran des rois,
Dont les impérieuses lois
N’épargnent pas même ta mère,
Amour, contre Jason tourne ton trait fatal ;
Au pouvoir de tes dards je remets ma vengeance :
Atterre son orgueil, et montre ta puissance
À perdre également l’un et l’autre rival.
Qu’une implacable jalousie
Suive son nuptial flambeau ;
Que sans cesse un objet nouveau
S’empare de sa fantaisie ;
Que Corinthe à sa vue accepte un autre roi ;
Qu’il puisse voir sa race à ses yeux égorgée ;
Et, pour dernier malheur, qu’il ait le sort d’Ægée,
Et devienne à mon âge amoureux comme moi !