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Créon.

Ses enfants si chéris qui nous servent d’otages,
Nous peuvent-ils laisser quelque sorte d’ombrages ?

Pollux.

Peut-être que contre eux s’étend sa trahison,
Qu’elle ne les prend plus que pour ceux de Jason,
Et qu’elle s’imagine, en haine de leur père,
Que n’étant plus sa femme, elle n’est plus leur mère.
Renvoyez-lui, seigneur, ce don pernicieux,
Et ne vous chargez point d’un poison précieux.

Cléone.

Madame cependant en est toute ravie,
Et de s’en voir parée elle brûle d’envie.

Pollux.

Où le péril égale et passe le plaisir,
Il faut se faire force, et vaincre son désir.
Jason, dans son amour, a trop de complaisance
De souffrir qu’un tel don s’accepte en sa présence.

Créon.

Sans rien mettre au hasard, je saurai dextrement
Accorder vos soupçons et son contentement.
Nous verrons dès ce soir, sur une criminelle,
Si ce présent nous cache une embûche mortelle.
Nise, pour ses forfaits destinée à mourir,
Ne peut par cette épreuve injustement périr ;
Heureuse, si sa mort nous rendait ce service,
De nous en découvrir le funeste artifice !
Allons-y de ce pas, et ne consumons plus
De temps ni de discours en débats superflus.