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Qui d’un si grand héros rompt le sort malheureux.
Après tout, cependant, riez de ma faiblesse ;
Prête de posséder le phénix de la Grèce,
La fleur de nos guerriers, le sang de tant de dieux,
La robe de Médée a donné dans mes yeux ;
Mon caprice, à son lustre attachant mon envie,
Sans elle trouve à dire au bonheur de ma vie ;
C’est ce qu’ont prétendu mes desseins relevés,
Pour le prix des enfants que je vous ai sauvés.

Jason.

Que ce prix est léger pour un si bon office !
Il y faut toutefois employer l’artifice :
Ma jalouse en fureur n’est pas femme à souffrir
Que ma main l’en dépouille afin de vous l’offrir ;
Des trésors dont son père épuise la Scythie,
C’est tout ce qu’elle a pris quand elle en est sortie.

Créuse.

Qu’elle a fait un beau choix ! jamais éclat pareil
Ne sema dans la nuit les clartés du soleil ;
Les perles avec l’or confusément mêlées,
Mille pierres de prix sur ses bords étalées,
D’un mélange divin éblouissent les yeux ;
Jamais rien d’approchant ne se fit en ces lieux.
Pour moi, tout aussitôt que je l’en vis parée,
Je ne fis plus d’état de la toison dorée ;
Et dussiez-vous vous-même en être un peu jaloux,
J’en eus presques envie aussitôt que de vous.
Pour apaiser Médée et réparer sa perte,
L’épargne de mon père entièrement ouverte
Lui met à l’abandon tous les trésors du roi,
Pourvu que cette robe et Jason soient à moi.