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Quiconque sans l’ouïr condamne un criminel,
Son crime eût-il cent fois mérité le supplice,
D’un juste châtiment il fait une injustice.

Créon.

Au regard de Pélie, il fut bien mieux traité ;
Avant que l’égorger tu l’avais écouté ?

Médée.

Ecouta-t-il Jason, quand sa haine couverte
L’envoya sur nos bords se livrer à sa perte ?
Car comment voulez-vous que je nomme un dessein
Au-dessus de sa force et du pouvoir humain ?
Apprenez quelle était cette illustre conquête,
Et de combien de morts j’ai garanti sa tête.
Il fallait mettre au joug deux taureaux furieux ;
Des tourbillons de feux s’élançaient de leurs yeux,
Et leur maître Vulcain poussait par leur haleine
Un long embrasement dessus toute la plaine ;
Eux domptés, on entrait en de nouveaux hasards ;
Il fallait labourer les tristes champs de Mars,
Et des dents d’un serpent ensemencer leur terre,
Dont la stérilité, fertile pour la guerre,
Produisait à l’instant des escadrons armés
Contre la même main qui les avait semés.
Mais, quoi qu’eût fait contre eux une valeur parfaite,
La toison n’était pas au bout de leur défaite :
Un dragon, enivré des plus mortels poisons
Qu’enfantent les péchés de toutes les saisons,