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L’âme en est incapable en de moindres malheurs,
Et n’a point où cacher de pareilles douleurs.
Jason m’a fait trahir mon pays et mon père,
Et me laisse au milieu d’une terre étrangère,
Sans support, sans amis, sans retraite, sans bien,
La fable de son peuple et la haine du mien :
Nérine, après cela tu veux que je me taise !
Ne dois-je point encore en témoigner de l’aise,
De ce royal hymen souhaiter l’heureux jour,
Et forcer tous mes soins à servir son amour ?

Nérine.

Madame, pensez mieux à l’éclat que vous faites.
Quelque juste qu’il soit, regardez où vous êtes ;
Considérez qu’à peine un esprit plus remis
Vous tient en sûreté parmi vos ennemis.

Médée.

L’âme doit se roidir plus elle est menacée,
Et contre la fortune aller tête baissée,
La choquer hardiment, et sans craindre la mort
Se présenter de front à son plus rude effort.
Cette lâche ennemie a peur des grands courages,
Et sur ceux qu’elle abat redouble ses outrages.

Nérine.

Que sert ce grand courage où l’on est sans pouvoir ?

Médée.

Il trouve toujours lieu de se faire valoir.