Florine
À qui ne plairait pas un vieillard si discret ?
Je ne puis le celer, je n’en vois qu’à regret :
J’aime bien leur adieu, mais non pas leur présence.
Lui qui s’en doute assez, me fuit par complaisance ;
Et m’avoir en partant laissé votre entretien,
C’est un nouveau sujet de lui vouloir du bien.
Aglante
Son adieu va produire un effet tout contraire.
J’ai l’esprit tout confus, pour ne vous pas déplaire,
Et le pesant chagrin qui m’accable aujourd’hui
Vous donnera sujet de vous plaindre de lui.
Dans le secret désordre où mon âme est réduite,
Mon humeur est sans grâce et mes propos sans suite ;
Je ne suis bon enfin qu’à vous importuner.
Florine
Bien moins que votre esprit ne veut s’imaginer.
Mon naturel est vain, je me flatte moi-même :
Quand on m’entretient mal, je présume qu’on m’aime.
Je crois voir aussitôt un effet de mes yeux,
Et l’on me plairait moins de m’entretenir mieux.
Un discours ajusté ne sent point l’âme atteinte :
Plus il a de conduite et plus il a de feinte,
Le désordre sied bien à celui d’un amant :
Quelque confus qu’il soit, il parle clairement.
Or moi qui ne suis pas de ces capricieuses
Qui donnent à l’amour des lois injurieuses,
(Orphise et Cléonice sortent et écoutent leurs discours.)
En mettent le haut point à se taire et souffrir,
Et s’offensent des vœux qu’on ose leur offrir,
Je vous estimerais envieux de ma gloire
Si vaincu par mes yeux, vous cachiez ma victoire.
Parlez donc hardiment du feu que vous sentez,
Ne soyez point honteux des fers que vous portez.
Sitôt qu’on est blessé, j’aime à voir qu’on se rende,
Et mon cœur pour le moins vaut bien qu’on le demande.
Je ne suis pas d’humeur à vous laisser