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ACTE IV.


Scène première.

ALIDOR, CLÉANDRE, troupe d’armés[1].
ALIDOR.
(L’acte est dans la nuit, et Alidor dit ce premier vers[2] à Cléandre ; et l’ayant fait retirer avec sa troupe, il continue seul.)

Attends, sans faire bruit, que je t’en avertisse[3].
890Enfin la nuit s’avance, et son voile propice
Me va faciliter le succès que j’attends
Pour rendre heureux Cléandre, et mes desirs contents.
Mon cœur, las de porter un joug si tyrannique,
Ne sera plus qu’une heure esclave d’Angélique.
895Je vais faire un ami possesseur de mon bien :
Aussi dans son bonheur je rencontre le mien.
C’est moins pour l’obliger que pour me satisfaire,
Moins pour le lui donner qu’afin de m’en défaire.
Ce trait paroîtra lâche et plein de trahison[4] ;
900Mais cette lâcheté m’ouvrira ma prison.
Je veux bien à ce prix avoir l’âme traîtresse,
Et que ma liberté me coûte une maîtresse.

  1. Au participe armés, employé substantivement, Thomas Corneille a substitué, dans l’édition de 1692 : hommes armés.
  2. Var. Il dit ce vers, etc. (1637, en marge.) — Dans cette édition, les mots : L’acte est dans la nuit, se trouvent placés plus haut, en regard du titre : ACTE IV.
  3. Var. Attends là de pied coi que je t’en avertisse. (1637-57)
  4. Var. Ce trait est un peu lâche, et sent sa trahison. (1637-57)
    Var. Ce trait peut sembler lâche et plein de trahison. (1660)