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Je perds moins, si je crois ne perdre qu’un volage,
790Et je ne puis sortir d’erreur qu’à mon dommage.
Que me sert de savoir que tes vœux sont constants[1] ?
Que te sert d’être aimé, quand il n’en est plus temps ?

ALIDOR.

Aussi je ne viens pas pour regagner votre âme[2] :
Préférez-moi Doraste, et devenez sa femme.
795Je vous viens, par ma mort, en donner le pouvoir :
Moi vivant, votre foi ne le peut recevoir ;
Elle m’est engagée, et quoi que l’on vous die,
Sans crime elle ne peut durer moins que ma vie.
Mais voici qui vous rend l’une et l’autre à la fois[3].

ANGÉLIQUE.

800Ah ! ce cruel discours me réduit aux abois.
Ma colère a rendu ma perte inévitable[4],
Et je déteste en vain ma faute irréparable.

ALIDOR.

Si vous avez du cœur, on la peut réparer.

ANGÉLIQUE.

On nous doit dès demain pour jamais séparer[5] ;
805Que puis-je à de tels maux appliquer pour remède ?

ALIDOR.

Ce qu’ordonne l’amour aux âmes qu’il possède.
Si vous m’aimez encor, vous saurez dès ce soir
Rompre les noirs effets d’un juste désespoir.
Quittez avec le bal vos malheurs pour me suivre,

  1. Var. Que me sert de savoir si tes vœux sont constants ? (1637-57)
  2. Var. Aussi ne viens-je pas pour regagner votre âme. (1637-57)
  3. Var. Mais voici qui vous rend l’un et l’autre à la fois. (1652-60)
  4. Var. Dans ma prompte vengeance à jamais misérable,
    Que je déteste en vain ma faute irréparable ! (1637-57)
  5. Var. C’est demain qu’on nous doit pour jamais séparer :
    En ce piteux état que veux-tu que je fasse ?
    ALID. Ah ! ce discours ne part que d’un cœur tout de glace
    Non, non, résolvez-vous : il vous faut à ce soir
    Montrer votre courage, ou moi mon désespoir. (1637-57)