Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les références à des notes situées dans d’autres volumes ont été remplacées par le contenu des notes en question.

Je veux prendre un moyen et plus court et plus seur[1],
Et sans aucun péril t’en rendre possesseur.
705Va-t’en donc, et me laisse auprès de ta maîtresse[2]
De mon reste d’amour faire jouer l’adresse.

CLÉANDRE.

Cher ami…

ALIDOR.

Cher ami…Va-t’en, dis-je, et par tes compliments
Cesse de t’opposer à tes contentements ;
Désormais en ces lieux tu ne fais que me nuire.

CLÉANDRE.

710Je vais donc te laisser ma fortune à conduire[3].
Adieu : puissé-je avoir les moyens à mon tour
De faire autant pour toi que toi pour mon amour !

ALIDOR, seul.

Que pour ton amitié je vais souffrir de peine !
Déjà presque échappé, je rentre dans ma chaîne.
715Il faut encore un coup, m’exposant à ses yeux,
Reprendre de l’amour, afin d’en donner mieux.
Mais reprendre un amour dont je veux me défaire[4],
Qu’est-ce qu’à mes desseins un chemin tout contraire ?
Allons-y toutefois, puisque je l’ai promis :
720Et que la peine est douce à qui sert ses amis[5].


    Puisque de deux rivaux, l’un mort, l’autre s’enfuit,
    Tandis que de sa peine un troisième a le fruit.

    Les poètes dramatiques du dix-septième siècle aimaient à placer ainsi dans la bouche de leurs personnages des allusions à leurs ouvrages antérieurs. Molière dit dans le Misanthrope (acte I, sc. i) :

    Je ris des noirs accès où je vous envisage,
    Et crois voir en nous deux, sous même soin nourris,
    Les deux frères que peint l’École des maris.

  1. Var. Il faut prendre un chemin et plus court et plus seur (a) :
    Je veux sans coup férir t’en rendre possesseur. (1637)
    Var. Je veux prendre un chemin et plus court et plus seur. (1644-60)

    (a) Peut-être cette prononciation était-elle en usage lorsque la pièce fut représentée pour la première fois, mais elle était certainement abandonnée lorsque Corneille publiait les dernières éditions de son théâtre.

  2. Var. Va-t’en donc, et me laisse auprès de cette belle
    Employer le pouvoir qui me reste sur elle. (1637-57)
  3. Var. Je te vais donc laisser ma fortune à conduire. (1635-57)
  4. Var. Mais reprendre un amour dont je me veux défaire. (1637-57)
  5. Var. Toute peine est fort douce à qui sert ses amis (b). (1637-57)

    (b) Voyez la fin de l’Examen, p. 223.