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655Ton courage est muet, et ton bras endormi !
Pour être amant discret, tu parois lâche ami !
C’est trop abandonner ta renommée au blâme :
Il faut sauver d’un coup ton honneur et ta flamme,
Et l’un et l’autre ici marchent d’un pas égal ;
660Soutenant un ami, tu t’ôtes un rival.
Ne diffère donc plus ce que l’honneur commande[1],
Et lui gagne Angélique, afin qu’il te la rende[2].
Il faut…



Scène IV.

ALIDOR, CLÉANDRE.
ALIDOR.

Il faut…Eh bien, Cléandre, ai-je su t’obliger ?

  1. Ce vers se retrouve, à un mot près, dans le Cid, acte III, scène iii :
    Ne diffère donc plus ce que l’honneur t’ordonne.
  2. Var. [Et lui gagne Angélique, afin qu’il te la rende.]
    Veux-tu pour le défendre une plus douce loi ?
    Si tu combats pour lui, les fruits en sont pour toi.
    J’y suis tout résolu, Doraste, il la faut rendre ;
    Tu sauras ce que c’est de supplanter Cléandre :
    Tout l’univers armé pour te la conserver
    De mes jaloux efforts ne te pourroit sauver.
    Qu’est-ce-ci, ma fureur ? est-il temps de paroître ?
    Quand tu manques d’objets, tu commences à naître :
    C’étoit, c’étoit tantôt qu’il falloit t’exciter,
    C’étoit, c’étoit tantôt qu’il falloit m’emporter.
    Puisque, un rival présent, trop foible, tu recules,
    Tes mouvements tardifs deviennent ridicules,
    Et quoi qu’à ces transports promette ma valeur,
    À peine les effets préviendront mon malheur.
    Pour rompre en honnête homme un hymen si funeste,
    Je n’ai plus désormais qu’un peu de jour qui reste ;
    Autrement il me faut affronter ce rival,
    Au péril de cent morts, au milieu de son bal :
    Aucune occasion ailleurs ne m’est offerte ;
    Il lui faut tout quitter, ou me perdre en sa perte.
    [Il faut…] (1637-57)