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Mais après il s’en tait, et moi j’y remédie ;
Il m’en donne un avis sans me les reprocher,
Et, me les découvrant, il m’aide à les cacher.

ALIDOR.

385Vous êtes en colère, et vous dites des pointes.
Ne présumiez-vous point que j’irois, à mains jointes,
Les yeux enflés de pleurs, et le cœur de soupirs,
Vous faire offre à genoux de mille repentirs ?
Que vous êtes à plaindre étant si fort déçue !

ANGÉLIQUE.

390Insolent ! ôte-toi pour jamais de ma vue.

ALIDOR.

Me défendre vos yeux après mon changement,
Appelez-vous cela du nom de châtiment ?
Ce n’est que me bannir du lieu de mon supplice ;
Et ce commandement est si plein de justice,
395Que bien que je renonce à vivre sous vos lois[1],
Je vais vous obéir pour la dernière fois.



Scène III.

ANGÉLIQUE.

Commandement honteux, où ton obéissance
N’est qu’un signe trop clair de mon peu de puissance,
Où ton bannissement a pour toi des appas,
400Et me devient cruel de ne te l’être pas !
À quoi se résoudra désormais ma colère,
Si ta punition te tient lieu de salaire ?
Que mon pouvoir me nuit ! et qu’il m’est cher vendu !
Voilà ce que me vaut d’avoir trop attendu[2] :

  1. Var. Qu’encore qu’Alidor ne soit plus sous vos lois,
    Il va vous obéir pour la dernière fois. (1637-57)
  2. Var. Voilà, voilà que c’est d’avoir trop attendu :