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LA SUIVANTE.

Et ce qu’elle goûtoit avec lui de plaisirs
Lui fit abandonner mon âme à mes désirs.

DAMON.

65On t’abuse, Théante ; il faut que je te die
Que Florame est atteint de même maladie,
Qu’il roule en son esprit mêmes desseins que toi[1],
Et que c’est à Daphnis qu’il veut donner sa foi.
À servir Amarante il met beaucoup d’étude ;
70Mais ce n’est qu’un prétexte à faire une habitude :
Il accoutume ainsi ta Daphnis à le voir,
Et ménage un accès qu’il ne pouvoit avoir.
Sa richesse l’attire, et sa beauté le blesse ;
Elle le passe en biens, il l’égale en noblesse,
75Et cherche, ambitieux, par sa possession,
À relever l’éclat de son extraction.
Il a peu de fortune, et beaucoup de courage ;
Et hors cette espérance, il hait le mariage.
C’est ce que l’autre jour en secret il m’apprit ;
80Tu peux, sur cet avis, lire dans son esprit.

THÉANTE.

Parmi ses hauts projets il manque de prudence[2],
Puisqu’il traite avec toi de telle confidence.

DAMON.

Crois qu’il m’éprouvera fidèle au dernier point,
Lorsque ton intérêt ne s’y mêlera point.

THÉANTE.

85Je dois l’attendre ici. Quitte-moi, je te prie,
De peur qu’il n’ait soupçon de ta supercherie[3].

DAMON.

Adieu. Je suis à toi.

  1. Var. Qu’il a dedans l’esprit mêmes desseins que toi. (1637-57)
  2. Var. Parmi ces hauts projets il manque de prudence. (1637)
  3. Var. Qu’il ne se doute point de ta supercherie. (1635-57)