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XV
PRÉFACE.

ne se rend guère compte des motifs qui ont pu acquérir à ce dictionnaire une si grande autorité ; s’il renferme de curieux renseignements, la nomenclature n’en est pas moins des plus défectueuses, et souvent un mot qui manque à son rang alphabétique se trouve employé dans le cours d’un autre article : c’est, par exemple, ce qui arrive pour captieux, qu’on ne rencontre qu’au mot Subtilité.

Comme les dictionnaires de ce temps sont rédigés avec une absence complète de méthode, on ne saurait en consulter un trop grand nombre ; il existe une foule de lexiques français-anglais, français-italiens, français-espagnols, trop peu connus, trop peu recherchés, et qui pourraient cependant être du plus grand secours. Les principaux sont : en 1599, le Recueil de dictionnaires francoys, espaignols et latins d’Henri Hornkens ; en 1603, le Dictionnaire françois et italien de Pierre Canal ; en 1607, le Thresor des deux langues françoise et espagnolle, par César Oudin ; en 1609, le Thresor des trois langues françoise, italienne et espagnolle, par Hierosme Victor ; en 1611, l’excellent Dictionnaire françois-anglois de Cotgrave, bien plus complet que Nicot ; en 1643, les Recherches françoises et italiennes d’Antoine Oudin. Enfin le curieux Glossaire de Sainte-Palaye, qui n’a été imprimé que jusqu’au mot asseureté[1], mais dont les matériaux, disposés alphabétiquement, sont conservés au département des manuscrits de la Bibliothèque impériale, offre d’inépuisables ressources pour l’histoire de notre langue.

Il est bien vrai que tous ces lexiques ne suppléent pas à la lecture attentive de nos anciens auteurs, mais du moins ils mettent sur la voie, et empêchent de tomber dans des erreurs aussi graves et aussi nombreuses que celles que nous venons de signaler.

Tandis que les commentateurs de Corneille lui attribuaient des expressions qui, loin d’être nouvelles, commençaient au contraire à vieillir lorsqu’il en a fait usage, ils négligeaient d’en noter quelques autres, rares il est vrai, qu’il peut passer pour avoir voulu introduire le premier dans notre langue. Tel est alfange, mot d’origine arabe, qu’il transcrivait littéralement, en 1664, de l’espagnol, pour le faire entrer dans le Cid à la place du mot épée. Cet essai assez curieux de stricte fidélité historique ne fut pas fort goûté, et bien que Corneille ait constamment maintenu sa nouvelle rédaction, on en revint au théâtre à son premier texte. Le mot Cid, que Corneille avait prudemment accompagné de cette glose poétique :

Cid en leur langue est autant que Seigneur (iii, 170. Cid, 1223),


fut, au contraire, promptement compris et accepté.

  1. La Bibliothèque impériale possède de ces premières feuilles du Glossaire