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IV
LEXIQUE DE CORNEILLE.

mun, paraît-il, en ce temps-là, et sur la façon dont Corneille s’en est moqué.

Si Corneille, dans sa réponse aux Observations de Scudéry, affirme avec une bonhomie maligne qu’il n’est pas homme d’éclaircissement[1], il n’en connaît pas moins bien le vocabulaire de l’escrime et les locutions introduites dans la langue par les duellistes. C’est à ces origines qu’il faut rapporter les phrases suivantes : sortir de garde, vider une affaire sur le pré, tomber d’accord sans se mettre en pourpoint, et beaucoup d’autres du même genre.

Le moindre artisan aurait pu, à aussi juste titre que Turenne, s’étonner de l’exactitude technique de Corneille. L’énumération suivante, par exemple, n’est-elle pas de nature à surprendre un charpentier ou un maçon ?

Ce fer a trop de quoi dompter leur violence.
— Oui, mais les feux qu’il jette en sortant de prison
Auroient en un moment embrasé la maison,
Dévoré tout à l’heure ardoises et gouttières,
Faîtes, lattes, chevrons, montants, courbes, filières,
Entretoises, sommiers, colonnes, soliveaux,
Parnes, soles, appuis, jambages, traveteaux,
Portes, grilles, verrous, serrures, tuiles, pierre,
Plomb, fer, plâtre, ciment, peinture, marbre, verre,
Caves, puits, cours, perrons, salles, chambres, greniers,
Offices, cabinets, terrasses, escaliers.
Juge un peu quel désordre aux yeux de ma charmeuse.
(ii, 472 et 473. Illus. 746-757.)

Ici Corneille pousse jusqu’à l’exagération et à la charge l’emploi des termes spéciaux, mais cela indique encore mieux à quel point ils lui sont familiers.

Du reste, dans ses comédies, non content de rechercher ainsi l’exactitude des moindres détails du langage, il apporte un égal soin à la fidélité de la mise en scène, et les amateurs du réalisme au théâtre seraient fondés à invoquer en leur faveur son imposante autorité.

« J’ai… pris ce titre de la Galerie du Palais, dit-il dans l’Examen de cette pièce[2], parce que la promesse de ce spectacle extraordinaire et agréable pour sa naïveté devoit exciter vraisemblablement la curiosité des auditeurs, et ç’a été pour leur plaire plus d’une fois que j’ai fait paroître ce même spectacle à la fin du quatrième acte, où il est entièrement inutile. »

Dans cette pièce, Corneille s’attache à reproduire avec une scrupu-

  1. Tome X, p. 404 ; voyez aussi la note 4 de la page indiquée.
  2. Tome II, p. 12.