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Traitez-moi dorénavant en inconnu, comme je vous veux laisser pour tel que vous êtes, maintenant que je vous connois ; mais vous n’aurez pas sujet de vous plaindre, quand je prendrai le même droit sur vos ouvrages que vous avez pris sur les miens[1]. Si un volume d’Observations ne vous suffit, faites-en encore cinquante : tant que vous ne m’attaquerez pas avec des raisons plus solides, vous ne me mettrez point en nécessité de me défendre, et de ma part je verrai, avec mes amis, si ce que votre libelle vous a laissé de réputation vaut que[2] j’achève de la ruiner. Quand vous me demanderez mon amitié avec des termes plus civils, j’ai assez de bonté pour ne vous la refuser pas, et me taire des défauts de votre esprit que vous étalez dans vos livres. Jusque-là, je suis assez glorieux pour vous dire de porte à porte que je ne vous crains ni ne vous aime. Après tout, pour vous parler sérieusement, et vous montrer que je ne suis pas si piqué que vous pourriez vous imaginer, il ne tiendra pas[3] à moi que nous ne reprenions la bonne intelligence du passé que vous souhaitez. Mais après une offense si publique, il y faut un peu plus de cérémonie : je ne vous la rendrai pas malaisée, et donnerai tous mes intérêts à qui que[4] vous voudrez de vos amis ; et je m’assure que si un homme se pouvoit faire satisfaction du tort qu’il s’est fait, il vous condamneroit à vous la faire à

  1. Dans ses Observations (p. 94) Scudéry avait paru contester ce droit à Corneille : « Au reste, on m’a dit qu’il prétend en ses réponses examiner les œuvres des autres, au lieu de tâcher de justifier les siennes. »
  2. Les éditeurs modernes ont mis : « vaut la peine que. »
  3. Les deux éditions de 1637 portent, évidemment par erreur : « qu’il ne tiendra pas. »
  4. Les éditeurs modernes ont supprimé que après qui ; à la ligne suivante ils ont ajouté, après satisfaction ; « à lui-même. »