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Cependant mon esprit s’use ainsi que mon corps ; 5
En vain pour me flatter je me le dissimule :
Je deviendrai bientôt muet ou ridicule[1],
Et ma force s’épuise en continus efforts.

Pour tout fruit d’une vie en travail consumée,
Il ne me va rester qu’un peu de renommée, 10
Qu’un souvenir flatteur d’avoir fait quelque bruit.

Ô d’un métier si noble indignités étranges,
Qu’un siècle à nos labeurs prodigue de louanges
N’assure que du vent au repos qui les suit !




VII


VERS IMITÉS DE LUCAIN ET D’HORACE,
Et attribués à Pierre Corneille.

Tout le monde connaît ces vers de Brébeuf :

C’est de lui que nous vient cet art ingénieux
De peindre la parole et de parler aux yeux,
Et par les traits divers de figures tracées
Donner de la couleur et du corps aux pensées.


C’est une excellente paraphrase de ce passage de la Pharsale (livre III, vers 220 et 221) :

Phœnices primi, famæ si creditur, ausi
Mansuram rudibus vocem signare figuris.


Notre poëte, si passionné pour Lucain, admirait fort en cet endroit son traducteur, qui, comme nous l’avons remarqué ailleurs (tome IV, p. 13, note 3), avait publié en 1653 les premiers livres de sa Pharsale. À en croire Coste[2], « M. Corneille disoit qu’il auroit donné deux

  1. Ces deux vers rappellent les suivants, qu’on lit dans la pièce intitulée : la Poésie à la Peinture (ci-dessus, p. 118, vers 41 et 42) :
    Pour trop m’en plaindre en vain je deviens ridicule,
    Et l’on ne m’entend pas, ou l’on le dissimule.
  2. Apologie de la Bruyère, 1701, in-12, p. 177.