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une baguette d’ébène garnie d’un bout d’argent, dont il frappoit en dansant son livre de magie : c’étoit le sieur Marais.

« À ses charmes sautent en place quatre lutins vêtus de satin noir et coiffés de plumes noires et grises, que dansèrent les ducs de Longueville et de Candale, le baron du Vigean, et le comte de Saint-Germain Beaupré.

« Cinq fantômes leur succédèrent, tous couverts de lames d’or coupées en olipeaux, dont le cliquetis n’étoit point si effroyable qu’il n’y eût des dames en la troupe qui témoignoient par leur contentement ce que d’autres, moins scrupuleuses, dirent tout haut, qu’elles ne s’en pourroient fuir devant ces fantômes ; car c’étoit encore le comte de Soissons, le duc d’Aluy, et le sieur de Liencourt, avec les sieurs de Marandé et la Barre.

« Trois faux monnoyeurs se mettent après sur les rangs, ayant leurs habits chamarrés de pièces fausses et les mains garnies de cisailles, tenailles et marteaux, exerçants leur métier en trop bonne compagnie pour ne vouloir pas être pris, comme ils furent par trois archers vêtus de satin vert sous leur casaque : où dansèrent les ducs de Longueville et de Candale, le baron du Vigean, les comtes de Fiasque et de Mata, et le sieur Parade.

« Ils furent bientôt suivis du même sieur Parade et Enaut, représentants le juge et son greffier, vêtus de satin noir et la toque en tête.

« Trois sergents finirent les entrées, représentés par les comtes de Mata et de Fiasque, et par le sieur Parade.

« Puis la musique du Roi se fit entendre, laquelle fut fermée par le grand ballet dansé aux pieds de Sa Majesté, qui rejoignant en un corps tant de pièces détachées, et faisant à son aspect reconnoître pour gens d’honneur ceux qui paroissoient naguère plongés dans une cloaque de vices, signifioit combien la vertu de ce monarque est efficacieuse, puisque le vice ne peut subsister devant lui, et qu’à son abord les diables mêmes cessent de l’être.

« Ce ballet (après lequel le comte de Soissons mena danser la Reine ; le duc de Longueville, la princesse de Condé ; et le reste des seigneurs, les autres dames de la cour) fit aussi juger quelle étoit la disposition de ces princes d’avoir pu danser depuis les huit heures du dimanche au soir, septième du courant, qu’ils commencèrent, jusques au lendemain matin, pareille heure, que leur fut faite la collation en la maison de ville, où ils finirent. Et comme la fortune aux grands desseins se fait volontiers de la partie, il s’y rencontra plus