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À l’infaillible honneur d’être de ses conquêtes,
Places dignes de lui, Mons, Namur, plaignez-vous :
La paix vous ôte un maître à préférer à tous ;
Et Louis au vieux joug vous laisse condamnées, 45
Quand vous vous promettiez nos bonnes destinées.
Heureux, au prix de vous, Ypres et Saint-Omer[1] !
Ils ont eu comme vous de quoi les alarmer ;
Ils ont vu comme vous leur campagne fumante
Faire passer chez eux la faim et l’épouvante ; 50
Mais pour cinq ou six jours que ces maux ont duré,
Ils ont mon roi pour maître, et tout est réparé.
Ainsi fait le bonheur de l’Égypte inondée
Du Nil impétueux la fureur débordée ;
Ainsi les mêmes flots qu’elle fait regorger 55
Enrichissent les champs qu’il vient de ravager.
Consolez-vous pourtant, places qu’il abandonne,
Qu’il semble dédaigner d’unir à sa couronne :
Charles[2], dont vous aurez à recevoir les lois,
Voudra d’un si grand maître apprendre l’art des rois, 60
Et vous verrez l’effort de sa plus noble étude
S’attacher à le suivre avec exactitude.
Magnanime Dauphin, n’en soyez point jaloux
Si jamais on le voit s’élever jusqu’à vous.
Il pourra faire un jour ce que déjà vous faites, 65
Être un jour en vertus ce que déjà vous êtes ;
Mais exprimer au vif ce grand roi tout entier,
C’est ce qu’on ne verra qu’en son digne héritier :
Le privilège est grand, et vous serez l’unique
À qui du juste ciel le choix le communique. 70
J’allois vous oublier, Bataves généreux,

  1. Ypres, Saint-Omer et bien d’autres villes de la Flandre (voyez la notice en tête de la pièce) restèrent à la France.
  2. Charles II, roi d’Espagne.