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Et trois villes déjà réparent notre perte[1] :
Trois villes dont la moindre eût pu faire un État,
Lorsque chaque province avoit son potentat ;
Trois villes qui pouvoient tenir autant d’années,
Si le ciel à Louis ne les eût destinées ; 10
Et comme si leur prise étoit trop peu pour nous,
Mont-Cassel vous apprend ce que pèsent nos coups[2].
Louis n’a qu’à paroître, et vos murailles tombent ;
Il n’a qu’à donner l’ordre, et vos héros succombent,
Et tandis que sa gloire arrête en d’autres lieux 15
L’honneur de sa présence et l’effort de ses yeux,
L’ange de qui le bras soutient son diadème
Vous terrasse pour lui par un autre lui-même[3] ;
Et Dieu, pour lui donner un ferme et digne appui,
Ne fait qu’un conquérant de Philippe et de lui. 20
Ainsi quand le soleil fait naître un parélie[4],
La splendeur qu’il lui prête à la sienne s’allie ;
Leur hauteur est égale, et leur éclat pareil ;
Nous voyons deux soleils qui ne sont qu’un soleil :
Sous un double dehors il est toujours unique, 25
Seul maître des rayons qu’à l’autre il communique ;

  1. Louis XIV partit de Saint-Germain le 28 février ; le 17 mars, Valenciennes fut prise ; le 5 avril, Cambrai se rendit au Roi ; le 20, Saint-Omer fut pris par Monsieur, frère du Roi.
  2. Le 11 avril le prince d’Orange, ayant voulu secourir Saint-Omer, perdit la bataille de Cassel. L’armée française était commandée par Monsieur, ayant sous lui les maréchaux d’Humières et de Luxembourg.
  3. Cet hémistiche : « par un autre lui-même, » a été déjà appliqué au même prince dans une pièce précédente. Voyez ci-dessus, p. 280, vers 398.
  4. Image du soleil réfléchi dans une nuée.
    Var. Ainsi quand le soleil sur un épais nuage,
    Pour se faire un second, imprime son image.
    (Mercure.)
    — Voyez ci-dessus, p. 322, les dernières lignes de la notice.