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Agésilas en foule auroit des spectateurs,
Et Bérénice enfin trouveroit des acteurs[1].
Le peuple, je l’avoue, et la cour les dégradent :
J’affoiblis[2], ou du moins ils se le persuadent ; 20
Pour bien écrire encor j’ai trop longtemps écrit,
Et les rides du front passent jusqu’à l’esprit[3] ;
Mais contre cet abus que j’aurois de suffrages[4],
Si tu donnois les tiens à mes derniers ouvrages[5] !
Que de tant de bonté l’impérieuse loi[6] 25
Ramèneroit bientôt et peuple et cour vers moi !
« Tel Sophocle à cent ans charmoit encore Athènes,
Tel bouillonnoit encor son vieux sang dans ses veines[7],
Diroient-ils à l’envi, lorsque Œdipe aux abois
De ses juges pour lui gagna toutes les voix[8]. » 30

  1. Ces quatre vers (15-18) manquent dans le manuscrit de l’Arsenal, dans les Diversités de Bordelon, et dans la première édition du Mercure (ils sont dans la seconde). — Corneille attribuait aux acteurs le peu de succès de Tite et Bérénice. Voyez tome VII, p. 190 et 191.
  2. Granet met ici je foiblis ; mais comme nous avons trouvé partout j’affoiblis, nous avons cru devoir conserver cette expression, que nous avons déjà vue dans le sens neutre (ci-dessus, p. 95, vers 17).
  3. Montaigne avait dit dans ses Essais (livre III, chapitre ii): « Elle (la vieillesse) nous attache plus de rides en l’esprit qu’au visage. »
  4. Var. Mais contre un tel abus que j’aurois de suffrages.
    (1re édition du Mercure, Manuscrit de l’Arsenal, et Bordelon.)
  5. Var. Si tu donnois le tien à mes derniers ouvrages !
    (Mercure, Manuscrit de l’Arsenal, et Bordelon.)
  6. Var. Que de cette bonté l’impérieuse loi.
    (Mercure, Manuscrit de l’Arsenal, et Bordelon.)
  7. Var. Diroient-ils à l’envi, tel encor dans ses veines
    Bouillonnoit son vieux sang, lorsqu’Œdipe aux abois.
    (2e édition du Mercure, et Manuscrit de Gaignières.)
  8. Var. De cent peuples pour lui gagna toutes les voix.
    (1re édition du Mercure, Manuscrit de l’Arsenal, et Bordelon.)
    — On rapporte que Sophocle étant devenu vieux, ses fils voulurent