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L’inaccessible Skeink, coûte à peine un coup d’œil[1]. 380
Que peut Orange[2] ici pour essai[3] de ses armes,
Que dérober sa gloire aux communes alarmes,
Se séparer d’un peuple indigne d’être à lui,
Et dédaigner des murs qui veulent notre appui ?
La rive de l’Yssel si bien fortifiée, 385
Par ce juste mépris à nos mains confiée,
Ne trouve parmi nous que des admirateurs
De ses retranchements et de ses déserteurs.
Yssel trop redouté, qu’ont servi tes menaces ?
L’ombre de nos drapeaux semble charmer tes places : 390
Loin d’y craindre le joug, on s’en fait un plaisir ;
Et sur tes bords tremblants nous n’avons qu’à choisir.

    Ipse fugam Auriacus, ne tergo inopinus inhærens
    Præripiat victor, versis prius occupat armis[4],
    Hostiles etiam ante minas : deserta patescunt
    Munimenta Isalæ, et fragili congestus arena
    Cespitibusque labor Gallo fit ludus inermi.
    Hinc Isalæ impositas idem rapit impetus urbes,
    Kempenque Zwolamque ; jugum Daventria felix

  1. Voyez ci-dessus, p. 264, note 2. Skink, pris en 1636 par les Hollandais, après un long siège, fut assiégé par nos troupes le 18 juin 1672, et pris le 21. Boileau ne manque pas de faire allusion à ce fait dans sa IVe épître (vers 147 et 148) :
    Bientôt on eût vu Skink dans mes vers emporté
    De ses fameux remparts démentir la fierté.
  2. Guillaume d’Orange, qui fut depuis roi d’Angleterre, le petit-fils de Henri de Nassau nommé plus haut, p. 262, vers 166. Il avait été d’abord capitaine général des forces néerlandaises ; puis le peuple, poussé à bout par les dures conditions que voulait lui imposer Louis XIV, le proclama stathouder de Hollande.
  3. Il y a essais, au pluriel, dans les Œuvres diverses de 1738.
  4. Ici encore il y a un vers de moins dans l’édition de 1688, qui donne seulement :
    Ipse fugam Auriacus versis simul occupat armis.