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Et l’entraîne après lui sous le flot qui le cache. 310
Quel spectacle d’effroi, grand Dieu ! si toutefois
Quelque chose pouvoit effrayer des François.
Rien n’étonne : on fait halte[1], et toute la surprise
N’obtient de ces grands cœurs qu’un moment de remise,
Attendant qu’on les joigne, et qu’un gros qui les suit 315
Enfle leur bataillon, que l’œil du Roi conduit.
Le bataillon grossi gagne l’autre rivage,
Fond sur ces faux vaillants, leur fait perdre courage,
Les pousse, perce, écarte, et maître de leur bord,
Leur porte à coups pressés l’épouvante et la mort. 320
Tel est sur tes François l’effet de ta présence,
Grand Monarque ; tels sont les fruits de ta prudence,
Qui par de[2] feints combats prit soin de les former
À tout ce que la guerre a d’affreux ou d’amer[3].

    Horrendum ! scirent si quicquam horrescere Galli.
    Ast illi capti insidiis subsistere primum,
    Dum coëat latis dispersum fluctibus agmen.
    Tum certi inter se, collectoque impete, leti
    Mille minas inter volucrisque tonitrua flammæ,
    Deproperare viam, et cæco vada sternere cursu.
    Instigant studiis socii, et spectator adurget
    Magnus. Hic irato luctantes aspicit amni,
    Agnoscitque suos ; et quas ipse indidit artes,
    Quos animos, quas ante manus in bella, per æstus
    Perque hiemes, fictis toties formavit in armis.

  1. Dans l’édition originale, imprimée avec beaucoup de soin, mais dans une orthographe particulière, il y a ici alte, ce qui indique que ce mot ne se prononçait pas comme aujourd’hui. On était loin d’ailleurs d’être d’accord sur son origine, comme nous l’apprenons par Furetière, et c’est sans doute ce qui en rendait la prononciation et l’orthographe incertaines. Au reste, les éditions du P. de la Rue et de Granet portent également alte. Voyez le Lexique.
  2. Des, dans les Œuvres diverses et dans les éditions suivantes.
  3. Voyez ci-dessus, p. 198, note 1.