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ques-uns de nos devanciers[1]. Toutefois il est un petit poëme au sujet duquel il convient d’entrer dans quelques détails qui seront mieux à leur place ici.

M. Ludovic Lalanne a découvert dans le portefeuille 217 du recueil manuscrit des Godefroy de la bibliothèque de l’Institut un sonnet fort curieux de Corneille, qu’il a publié dans le numéro du 26 mars 1853 de l’Athenæum français. Dans ce sonnet, notre poëte se plaint au Roi de ce qu’on veut lui enlever les priviléges qui lui avaient été conférés par les lettres de noblesse accordées à son père[2]. Il était fort naturel de supposer que cette fière supplique était postérieure à l’édit célèbre du mois de septembre 1664, par lequel Louis XIV révoquait toutes les lettres de noblesse accordées depuis le 1er janvier 1634 : M. Lalanne, dans la petite notice qui accompagnait sa découverte, et M. Taschereau, dans son Histoire de la vie et des ouvrages de Corneille[3], ont tous deux adopté cette opinion ; mais quelques vers de Boisrobert prouvent qu’elle n’est pas exacte et que les plaintes de Corneille remontaient à une époque beaucoup plus reculée. La réclamation de Boisrobert, adressée à Seguier, est intitulée : À Monseigneur le Chancelier. En voici l’argument : Il lui veut rendre ses lettres d’anoblissement s’il ne le fait distinguer des autres nouveaux anoblis sur lesquels on a mis des taxes. Après avoir exposé ses propres doléances, Boisrobert ajoute :

J’apprends que l’illustre Corneille
Souffre une disgrâce pareille.
Penses-tu que les bons auteurs
Soient un gibier à collecteurs ?
Distingue-nous de la canaille
Qui pour s’affranchir de la taille
À beaux deniers ont acheté
Cette nouvelle qualité.

Voyons maintenant de quelle époque datent ces vers ; ils se

  1. Le Sonnet à M. de Campion, par exemple, que Lefèvre date de 1647 et place en conséquence, n’est réellement que de 1657. Voyez ci-après, p. 137 et 138.
  2. Voyez ci-après, pièce XLIV, p. 135, et tome III, p. 15 et 16.
  3. Pages 199 et 200, 2e édition.