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Au moindre souvenir qui peigne[1] à sa vaillance
Chez tant d’autres vainqueurs la fortune en balance,
Les triomphes sanglants et longtemps disputés,
Il voit avec dédain ceux qu’il a remportés : 20
Sa gloire, inconsolable après ces hauts exemples,
Brûle d’en faire voir d’égaux ou de plus amples ;
Et jalouse du sang versé par ces[2] guerriers,
Se reproche le peu que coûtent ses lauriers.
Pardonne, grand Monarque, à ton destin propice : 25
Il va de ses faveurs corriger l’injustice,
Et t’offre un ennemi fier, intrépide, heureux,
Puissant, opiniâtre, et tel que tu le veux.
Sa fureur se fait craindre aux deux bouts de la terre :
Au levant, au couchant elle a porté la guerre ; 30
L’une et l’autre Java[3], la Chine et le Japon

    Tum si quando animo priscæ virtutis imago
    Incidit, et veterum pervolvens acta parentum
    Quæsitas per multa videt discrimina lauros,
    Errantemque diu media inter prælia Martem,
    Uritur exemplis tacite, heroumque periclis
    Invidet, et partos secum fastidit honores.
    Ergo age, tam lætis ultra ne irascere fatis :
    En fortuna tibi, quantum appetis, annuit hostem.
    Ille, pererrato jam formidabilis orbi,
    Contemptor superum Batavus, quem Seres, et Indi,
    Extremique hominum Japones, quem dives adorat

  1. L’édition des poésies latines du P. de la Rue intitulée Carmina (1688) donne : « qui peint. »
  2. Il y a ses, par erreur, dans le texte de Granet.
  3. C’est-à-dire l’île de Java et une autre île de la Sonde, Bali, nommée aussi quelquefois la petite Java. La compagnie des Indes orientales, fondée par les Hollandais au commencement du dix-septième siècle, avait fait diverses conquêtes en Orient ; elle possédait jusqu’à deux cents vaisseaux et commerçait avec des pays fermés, ou peu s’en faut, au reste de l’Europe, tels que la Chine et le Japon.