Et Tournai, de tout temps tout françois dans le cœur,
T’eût reçu comme maître, et non comme vainqueur[1] ;
Les Muses[2] à Douai n’auroient point pris les armes
Pour coûter à son peuple et du sang et des larmes ;
Courtrai, sans en verser, eût changé de destin ;
Ce refuge orgueilleux de l’Espagnol mutin,
Alost, n’eût point fourni de matière à ta gloire ;
Audenarde jamais n’eût pleuré ta victoire.
Que dirai-je de Lisle[3], où tant et tant de tours,
De forts, de bastions n’ont tenu que dix jours[4] ?
Ces murs si rechantés, dont la noble ruine
Tornacique arces, Musisque dicata Duaci
Mœnia, et antiquis Curtracum nobile bellis ;
Aldenaram, cultæque caput regionis Alostum
Borbonium eversis victorem admittere portis.
Insuper et victo captivum flumine Lisam,
Mœrentemque Sabin nequicquam, injectaque Scaldi
Vincula, perruptosque aditus, et in intima facto
- ↑ Tournai fut pris le 26 juin 1667. Douai se rendit le 6 juillet ; Courtrai, le 18 ; Audenarde, ou plutôt Oudenarde, le 31 ; Alost, le lendemain 1er août.
- ↑ Il y avait à Douai une célèbre université, fondée en 1572 par Philippe II, roi d’Espagne. Cet endroit est plus clair dans le P. de la Rue, qui dit : Musisque dicata Duaci Mœnia.
- ↑ Telle est l’orthographe des Idyllia et des Carmina ; l’édition de 1667 porte : l’Isle.
- ↑ Lille se rendit au Roi en personne le 27 août 1667.
le reproche de Boileau, qui a précisément en vue les poëtes qui chantèrent les victoires de 1667 et 1668, lorsqu’il dit dans l’Art poétique (chant II, vers 73 et suivants) :
Loin ces rimeurs craintifs dont l’esprit phlegmatique
Garde dans ses fureurs un ordre didactique ;
Qui chantant d’un héros les progrès éclatants,
Maigres historiens, suivront l’ordre des temps.
Ils n’osent un moment perdre un sujet de vue :
Pour prendre Dole, il faut que Lille soit rendue ;
Et que leur vers exact ainsi que Mézerai,
Ait déjà fait tomber les remparts de Courtrai.