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Le cœur paroît ingrat quand la bouche est muette,
Et d’un nom que partout la vertu fait voier
C’est crime de se taire où tout semble parler.
Mais n’attends pas, grand Roi, que mes ardeurs sincères
Appellent au secours l’Apollon de nos pères : 30
À mes foibles efforts daigne servir d’appui,
Et tu me tiendras lieu des Muses et de lui.
Toi seul y peux suffire, et dans toutes les âmes
Allumer de toi seul les plus célestes flammes,
Tel qu’épand le soleil sa lumière sur nous, 35
Unique dans le monde, et qui suffit à tous[1].
Par l’ordre de son roi, les armes de la France
De la triste Hongrie avoient pris la défense,
Sauvé du Turc vainqueur un peuple gémissant,
Fait trembler son Asie et rougir son croissant[2] ; 40
Par son ordre on voyoit d’invincibles courages,

    Nil præcone opus est, scelus est tamen alta silere
    Victoris decora, indictamque relinquere laudem.
    At neque Castalias mihi cura vocare sorores,
    Nec veteri fuerit præcordia pandere Phœbo.
    Tu mihi, tu regum Rex optime, maxime regum,
    Numen eris, Lodoice, mihique in carmina sacrum
    Ardorem, et dignos cœptis ingentibus ignes
    Adjicies, magnus lucis pater, unicus uni
    Qui satis es mundo, nec sis quoque pluribus impar.
    Jam procul hungaricos tutatus milite fines,
    Lunigeras acies Lodoicus et impia signa
    Fuderat, extremasque Asiæ tremefecerat oras.

  1. Traduction des devises de Louis XIV : unicus uni et nec pluribus impar, insérées textuellement dans les vers du P. de la Rue.
  2. Le 1er  août 1664, les Allemands, commandés par Montecuculli, remportèrent sur les Turcs la victoire décisive de Saint-Gothard, à laquelle six mille Français, sous les ordres de la Feuillade, prirent une très-grande part.