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Sur eux à ta fortune ils laissent tout pouvoir, 85


    Qu’un trop vigilant commissaire
    Rencontra fortuitement
    Tout devant sa porte cochère.
    Oh ! jugez un peu quel affront !
    Corneille, en son cothurne, étoit au double mont
    Quand il fut cité de la sorte ;
    Et de peur qu’une amende honnît tous ses lauriers,
    Prenant sa muse pour escorte,
    Il vint, comme le vent, au lieu des plaidoyers ;
    Mais il plaida si bien sa cause,
    Soit en beaux vers ou franche prose,
    Qu’en termes gracieux la police lui dit :
    « La paille tourne à votre gloire.
    Allez, grand Corneille, il suffit. »
    Mais de la paille il faut vous raconter l’histoire,
    Afin que vous sachiez comment
    Elle étoit à sa gloire en cet événement.
    Sachez donc qu’un des fils de ce grand personnage
    Se mêle, comme lui, de cueillir des lauriers,
    Mais de ceux qu’aiment les guerriers,
    Et qu’on va moissonner au milieu du carnage.
    Or ce jeune cadet, à Douai faisant voir
    Qu’il sait des mieux remplir le belliqueux devoir,
    D’un mousquet espagnol au talon reçut niche,
    Et niche qui le fit aller à cloche-pié,
    Si bien qu’en ce moment, étant estropié,
    Il fallut, quoiqu’il dît sur ce cas cent fois briche,
    Toute sa bravoure cesser,
    Et venir à Paris pour se faire panser.
    Or ce fut un brancard qui dans cette aventure,
    Lui servit de voiture,
    Étant de paille bien garni ;
    Et comme il entra chez son père,
    Il s’en fit un peu de litière.
    Voilà tout le récit fini.

    Nous avons vainement cherché aux Archives de l’Empire et dans celles de la Préfecture de police quelques traces des poursuites dirigées contre Corneille. Nous remarquerons seulement qu’elles avaient lieu en vertu de l’article 19 d’un arrêt du parlement de Paris du 11 avril 1663, faisant « inhibition et défense à toutes personnes de quelque état et condition qu’elles soient, de jeter, faire ou souffrir jeter dans les rues aucunes immondices, cendres de lessive, paille, gravois, terreaux, tuileaux, ardoises, raclures de cheminées, fumiers ni quelqu’autres ordures que ce soit : sur la peine de huit livres d’a-