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Je te peindrai vaillant, juste, bon, libéral,
Invincible en la guerre, en la paix sans égal[1] : 80
Je peindrai cette ardeur constante et magnanime
De retrancher le luxe et d’extirper le crime[2] ;
Ce soin toujours actif pour les nobles projets,
Toujours infatigable au bien de tes sujets ;
Ce choix de serviteurs fidèles, intrépides, 85
Qui soulagent tes soins, mais sur qui tu présides,
Et dont tout le pouvoir, qui fait tant de jaloux,
N’est qu’un écoulement de tes ordres sur nous.
Je rendrai de ton nom l’univers idolâtre :
Mais pour ce grand chef-d’œuvre, il faut un grand théâtre. 90
Ouvre-moi donc, grand Roi, ce prodige des arts
Que n’égala jamais la pompe des Césars,
Ce merveilleux salon[3] où ta magnificence
Fait briller un rayon de sa toute-puissance ;
Et peut-être, animé par tes[4] yeux de plus près, 95
J’y ferai plus encor que je ne te promets.
Parle, et je reprendrai ma vigueur épuisée,

  1. On lit dans les Œuvres diverses publiées par Granet et dans toutes les éditions suivantes :
    Invincible à la guerre, à la paix sans égal.
  2. Var. De retrancher le luxe et de punir le crime. (Délices.)
    — Corneille fait ici allusion d’une part, à l’ordonnance de juin 1663, contre le luxe des habits, carrosses et ornements, qui renouvelait les déclarations de novembre 1656 et de novembre 1660 ; et d’autre part, à l’édit de mars 1667, portant création d’un lieutenant de police de Paris : le premier lieutenant nommé fut la Reynie.
  3. Il s’agit ici du « grand et superbe salon que le Roi conçut et fit faire fixe et permanent pour les divers spectacles, » salon dont nous avons donné la description, par l’abbé de Pure, tome VII, p. 280 et suivantes, dans la Notice de Psyché.
  4. On lit ici à tort, dans les Délices : « les », pour « tes », et au vers suivant : « je ferai », pour « j’y ferai », leçon un peu moins mauvaise, mais cependant peu probable.