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Mais vous lui refusez un moment de colère[1] ; 35
Vous m’enviez le bien d’avoir pu vous déplaire ;
Vous dédaignez de voir quels sont mes attentats[2],
Et m’en punissez mieux ne m’en punissant pas.
Une heure de grimace ou froide ou sérieuse[3],
Un ton de voix trop rude ou trop impérieuse, 40
Un sourcil trop sévère, une ombre de fierté,
M’eût peut-être à vos yeux rendu ma liberté[4].
J’aime, mais en aimant je n’ai point la bassesse[5]
D’aimer jusqu’aux mépris[6] de l’objet qui me blesse ;
Ma flamme se dissipe à la moindre rigueur[7] : 45
Non qu’enfin mon amour prétende cœur pour cœur ;
Je vois mes cheveux gris : je sais que les années
Laissent peu de mérite aux âmes les mieux nées ;
Que les plus beaux talents des plus rares esprits,

  1. Var. Mais vous me refusez un moment de colère ;
    Vous m’enviez le bien d’avoir su vous déplaire.
    (Manuscrits de Conrart.)
  2. Var. Et dédaignant de voir quels sont mes attentats,
    Vous m’en punissez mieux ne m’en punissant pas.
    (Manuscrits de Conrart et des Godefroy.)
  3. Var. Une heure de grimace un peu trop sérieuse,
    Un son de voix trop rude ou trop impérieuse,
    Un tour d’œil trop sévère, une ombre de fierté.
    (Manuscrits de Conrart.)
  4. La liberté, dans les Manuscrits des Godefroy, dans les Œuvres diverses et dans les éditions postérieures.
  5. Var. J’aime, mais en aimant je n’ai pas la bassesse.
    (Manuscrits des Godefroy.)
  6. Dans les Manuscrits de Conrart et dans ceux des Godefroy il y a le singulier : « au mépris. »
  7. Var. Ma flamme s’amortit à la moindre froideur :
    Non pas que mon amour prétende cœur pour cœur ;
    Je sais que j’ai quelque âge, et qu’un peu trop d’années
    Laisse peu de mérite aux âmes les mieux nées.
    (Manuscrits de Conrart.)