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Tu me l’as épargné, tu m’as fait grâce entière.
Ainsi l’honneur se mêle au bien que je reçois.
Qui donne comme toi donne plus d’une fois.
Son don marque une estime et plus pure et plus pleine, 25
Il attache les cœurs d’une plus forte chaîne :
Et prenant[1] nouveau prix de la main qui le fait,
Sa façon de bien faire est un second bienfait[2].
Ainsi le grand Auguste autrefois dans ta ville
Aimoit à prévenir l’attente de Virgile : 30
Lui que j’ai fait revivre, et qui revit en toi,
En usoit envers lui comme tu fais vers moi.
Certes, dans la chaleur que le ciel nous inspire,
Nos vers disent souvent plus qu’ils ne pensent dire ;
Et ce feu qui sans nous pousse les plus heureux 35
Ne nous explique pas tout ce qu’il fait par[3] eux.

    At tu, dum pleno spargis tua præmia cornu
    Magnificus, parcis precibus, votumque remittis.
    Sic donis accedit honos, et munere in uno
    Munera bina latent, cum se ultro gratia profert.
    Hinc amor arctior est, nam blanda sine arte voluntas
    Dat pretium donis, et munera munere crescunt.
    Sic quondam Augustus, vestræ alter Romulus urbis,
    Mittere gaudebat dona insperata Maroni ;
    Et quem nostra in te redivivum carmina fingunt,
    Virgilium excepit, quo me dignaris honore.
    Et certe ille augur qui nos inspirat Apollo,
    Obscuris vera involvens, plus carmine promit
    Interdum, quam verba sonant ; motuque latenti
    Sæpe alio vatem, quam quo velit, abripit ardor.

  1. « En prenant, » mais à tort, dans l’édition de Lefèvre et dans quelques autres.
  2. Corneille avait déjà dit dans le Menteur, acte I, scène i, vers 90 :
    La façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne.
  3. Pour, mais à tort, dans l’édition de Lefèvre et dans quelques autres.