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LX
NOTICE BIOGRAPHIQUE

esprit de douceur, d’égalité, de déférence même, si nécessaire pour entretenir l’union dans les compagnies. L’a-t-on jamais vu se préférer à aucun de ses confrères ? L’a-t-on jamais vu

    sont dans la liste, qui n’ont aucune part à cet ouvrage et qui ne se trouvent qu’aux assemblées solennelles de réceptions ; encore n’ai-je pas la gloire de l’invention de ce titre : elle est due au grand Corneille, qui en a été le parrain, et qui donna un billet d’exclusion au sieur de la Fontaine parce qu’il le jugeoit dangereux aux jetons, sur le fondement que c’est un misérable qu’on nourrit par charité et qui en a besoin pour subsister. On ne peut pécher après l’exemple d’un si grand homme, et son autorité est de tel poids, que tous les confrères ont suivi son exemple, et se traitent les uns les autres de jetonniers, selon qu’ils affectent plus ou moins d’être assidus, et de se trouver avant que l’heure sonne pour participer à cette distribution. » (Recueil des Factums d’Antoine Furetière, édition de M. Asselineau, tome I, p. 304.)
    Nous ne pouvons contrôler aujourd’hui ce que dit Furetière, et il serait imprudent de lui accorder trop de confiance. Remarquons toutefois que le peu de documents dont nous pouvons disposer nous montrent en effet Corneille assistant aux cérémonies publiques, mais ne prenant pas toujours une part bien active aux occupations de la Compagnie. Ainsi en 1672, lorsque l’Académie française se rend à Versailles pour remercier le Roi d’avoir remplacé le chancelier Seguier comme protecteur de la Compagnie, le Mercure du mois de mars (tome I, p. 221 et 222) signale la présence de Corneille ; au contraire, nommé membre d’une commission qui fut occupée, du 14 août au 12 octobre 1678, à réunir, pour la préparation du Dictionnaire des Observations touchant l’orthographe, il n’a même pas mis son visa à ce travail, où ses opinions sur l’orthographe, placées dans l’Avertissement de son édition du Théâtre publiée en 1663, ont été longuement discutées et en général favorablement reçues. Voyez les Cahiers de remarques sur l’orthographe françoise que j’ai publiés en 1863 (p. viii, xxiii et 97).
    Ses collègues du reste n’exigeaient pas de lui une trop rigoureuse exactitude, fiers qu’ils étaient de le posséder parmi eux. « Ce n’est pas la coutume de l’Académie, dit Segrais dans ses Mémoires, de se lever de sa place dans les assemblées pour personne, chacun demeure comme il est ; cependant lorsque M. Corneille arrivoit après moi, j’avois pour lui tant de vénération que je lui faisois cet honneur. C’est lui qui a formé le théâtre françois. » (Mémoires anecdotes de Segrais, tome II des Œuvre, p. 158.)